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Rencontre avec Arthur et Jean Bosc : (re)imaginer le Mas et la Bastide provençale en maisons de vacances
Si Bosc Architectes est devenu incontournable dans la région des Alpilles et plus largement en Provence, les deux frères à la tête du cabinet d’architecture savent encore où donner de la tête. Lancement d’un studio de design d’objet, une collection de maisons à louer, une activité événementielle…
Rencontre avec Arthur et Jean Bosc : (re)imaginer le Mas et la Bastide provençale en maisons de vacances
Rencontre à la Bastide des Chardons, deuxième propriété de la collection Les Maisons Imaginaires.
Pouvez-vous nous présenter Bosc Architectes ?
Jean : L’agence est spécialisée dans la rénovation de mas, bastides et châteaux dans la région mais on travaille également avec et pour des établissements recevant du public : des restaurants, des hôtels (Baumanière) mais aussi des caves à vins (Trévalon). On fait aussi de plus en plus de maisons de vacances dédiées à la location saisonnière, comme le Mas de Cinq Sous, ou encore le Mas de Brunard. Des propriétés de 1500-2000 m2, assez énormes, où l’on a presque tout ce qu’il faut pour des jeunes adultes qui ont envie de profiter. D’anciennes fermes ou châteaux qui fonctionnent aujourd’hui comme des petits hôtels.
La Bastide des Chardons à Eyragues - © Mark Elst
Comment pense-t-on une maison chez Bosc Architectes ?
Jean : L’art de la maison – c’est-à-dire comment va vivre une famille dans une maison – on ne l’apprend pas à l’école, nous on l’a appris par notre père. C’est lui qui a développé ce génie il y a 50 ans en s’installant ici, il a refait toutes les baraques du coin ! Car il n’y avait pas d’architecte à l’époque. C’était une mini renaissance. Comme il a eu lieu un peu partout en France, mais dans ce coin là c’était lui.
Arthur : Ce n’est pas facile de théoriser ce que l’on fait. On peut être assez éclectiques, c’est à dire qu’on on ne fait pas que de la bastide 18ème et c’est cela que l’on aime. Nous sommes architectes, nous avons eu des influences contemporaines mais nous n’avons pas un style radical, on laisse toujours la porte ouverte au contexte.
Malgré les apparences, l’heure est au « moins mais mieux » !
Moins de projets, plus qualitatifs pour aller encore plus loin dans la démarche contextualiste qui caractérise les réalisations de Bosc Architectes.
C’est quoi l’architecture contextuelle de Bosc Architectes ?
Jean : D’une part, ce sont des influences. La philosophie de Frank Lloyd Wright et le style Prairie. C’est vraiment cette idée de se fondre dans le génie local. Je suis très inspiré de Peter Zumthor dans sa façon de voir le projet. Formé par mon maître à penser, Pierre Louis Faloci, il est pour moi un des meilleurs théoriciens de l’architecture aujourd’hui.
Concrètement, notre marque de fabrique ce sont les matériaux nobles, les matériaux naturels et ce qu’on essaye le plus d’utiliser : les matériaux de récupération. En fait, ce qu’on appelle « l’upcycling » : c’est ce qu’on fait depuis toujours. Pierre, tuiles, poutres, sols, vieilles terres cuites, lavabo, cheminées : on récupère, on les stocke quelque part et on trouve toujours un endroit où les utiliser. Avec l’art de transformer, on va encore plus loin en trouvant une nouvelle utilité aux matériaux. Par exemple, récupérer les parefeuilles d’un toit et les utiliser pour un sol. On va s’amuser avec les codes du coin. Et vu l’engouement autour de cette façon de travailler, on sent qu’on est dans le bon.
Arthur : Si on a du mal à théoriser ce que l’ont fait c’est parce que l’on fonctionne par itération, on soulève les points et peu à peu tout vient à l’évidence. Il faut qu’il y ait une histoire qui fonctionne. C’est une logique de contexte, de flux, un équilibre qui doit se faire entre les espaces, la lumière, les acoustiques. On ne va pas répondre aux codes des maisons de luxe (même sur des projets qui sont luxueux) ou des promoteurs – car généralement ceux-ci peuvent être contournés – mais plutôt à ceux des gens d’ici, de nos souvenirs d’enfance dans cette grande maison que l’on a perdue, et dont on se rappelle comme d’une machine à rêves.
La Maison des Remparts à Saint-Rémy-de-Provence - © Mark Elst
Comment est né Bosc Design ?
Arthur : Pour chaque projet on créait des choses parce qu’on manquait d’éléments (évier, table, luminaires…). On ne trouvait jamais ce que l’on voulait. Au bout d’un moment on s’est dit qu’il fallait développer le design en raison de ce manque. Cela a donné des interrupteurs en zelliges, en terre cuite, des luminaires de salle de bain. Des chaises d’extérieur sympa qui changent de Fermob. C’est aussi notre manie de tout transformer qui nous y a conduit naturellement.
Comment interviennent Les Maisons Imaginaires dans tout cela ?
Arthur : Être son propre client offre une grande liberté. C’est un laboratoire. Des délires que les clients ne suivraient pas forcément. Ce qui est d’autant plus génial avec la maison de vacances. Car ce sont des lieux qu’on ne va pas vivre au quotidien, ni toute l’année. On peut en faire une expérience amusante, même ludique ou un peu bizarre. Le Loft de l’Architecte, notre dernier projet pour Les Maisons Imaginaires, incarne complètement cela.
Jean : Le principe est né il y a 10 ans, nous vivions dans un ancien hôpital à Saint-Rémy, qui est rapidement devenu un lieu de rencontres d’amis, d’artistes… Une résidence où avaient lieu de grands dîners. Et ça s’est arrêté. C’était une maison imaginaire comme l’était notre maison de famille étant petits. Un relais de chasse perdu dans les marais au milieu d’immenses platanes que l’on a perdu à tout jamais. Puis en 2020, on a trouvé une maison dans les Alpes, une ancienne miellerie entourée de lavandes. Personne à 3km. Un lieu poétique, un genre ferme canadienne bricolée par un ancien architecte dans les années 70, avec son frère menuisier. Bricolé, mais beau. Ce contexte fût un prétexte pour écrire sur les sensations. Écrire de la poésie. C’est à ce moment que j’ai trouvé ce nom « Les Maisons Imaginaires » – inspiré de la BD « Les Villes Imaginaires » – qui évoque la poésie et le rêve. La Maison des Remparts a suivi, c’est en fait la deuxième Maison Imaginaire. Chaque maison c’est un contexte, c’est une idée. Dans chaque maison on va s’amuser à tirer ce fil poétique.
Le Loft de l'Architecte à Saint-Rémy-de-Provence - © Mark Elst
Et ce lieu ci ?
Arthur : Pour la Bastide des Chardons, on a eu une fenêtre de tir en 2021. Un concours de circonstances qui a fait que l’on pouvait y aller. Elle faisait peur à tout le monde, le toit était percé, la façade était rongée. Mais pour nous, si le mur s’effondre, pas de soucis. On sait faire, on est né dans la vieille ruine, on a vécu dans les travaux la moitié de notre vie, on sait que c’est facile.
Jean : Ce qui nous touche le plus ici, c’est la philosophie de Gaston Bachelard : « la poétique de l’espace » qui nous lie une nouvelle fois à notre enfance. Du grenier à la cave, on vient s’ancrer sur cette maison qui va être le théâtre de la famille, le théâtre de la vie. On a créé un univers basé sur les souvenirs de greniers mais aussi de longs couloirs, on ne travaille que sur la sensation. C’est la maison de famille qu’on a perdu, d’ailleurs on a ralenti les travaux deux fois pour habiter la maison : on en a profité pendant quelques semaines d’été et l’autre fois, on a organisé une exposition conçue comme un parcours et clôturée par un concert.
C’est un lieu qui se prête aussi bien à des événements ?
Jean : En effet, maintenant se greffent d’autres idées, un peu plus événementielles. Nous avons des amis qui avaient une galerie d’art à Paris qui sont arrivés dans la région, on reprend ce truc qu’on avait à l’hôpital, cela redémarre petit à petit. On a travaillé avec Ventre sur un événement d’ouverture à la Bastide des Chardons en juin 2023 qui laisse envisager pas mal de choses.
L'immense cuisine et salle de réception de la Bastide des Chardons - © Mark Elst
Propos recueillis en avril 2024
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